Je sors du train à la gare de Lille sauf que c'est peut-être Brest, parce que la mer est montée jusqu'au parvis, qu'on la voit depuis les escaliers blancs en colimaçon, que la mer est montée loin et qu'elle est gelée. Il y a de la glace brisée flottante partout jusqu'à l'horizon blanc, c'est un iceberg cassé, c'est quelque chose de très beau, il y a aussi un truc étrange comme un cône de glace par dessous quoi filtre une grande lumière jaune pâle, comme un cône glacé posé par-dessus l'un des éclairages de sol qui éclatent les yeux devant la gare, je me dis ça, mais la lumière sous le cône éclaire bien plus fort que ces trucs. Je prends une photo avec mon téléphone et je descends les escaliers. Devant moi une cohorte de mecs vêtus en Saint Nicolas, je m'arrête pour mettre de la distance entre eux et moi, ils font plein de bruit c'est pénible. Je descends sur le parvis pour observer la glace toute proche, l'eau touche mes chaussures, je prends une seconde photo, une pluie fine et blanche tombe du ciel plein de nuages malgré la lumière toujours très forte, il fait clair. De l'autre côté de la gare c'est une ruelle en pierres rouges, elle débouche sur un bâtiment qui ressemble à une église. Le ciel est normal il ne fait ni froid ni venteux, plutôt un climat d'Angleterre en avril. Devant l'église des gens manifestent et crient dans des mégaphones, habillés en rouge, je reconnais parmi eux les Saint Nicolas de l'escalier. J'essaie de contacter Z. pour lui dire que je suis là, que je ne sais pas où l'attendre, sauf que je n'ai pas de réseau, je pense c'est à cause de l'iceberg. Je tombe sur des connaissances qui m'emmènent dans un restaurant miteux et essaient de me faire payer l'addition de trucs à la viande pas encore commandés parce qu'ils m'ont offert des livres que je n'avais pas demandés. Mais il y a, là, un gros chien couché sur la banquette entre deux humains, deux chiens en vérité l'un contre l'autre, je suis de meilleure humeur mais je râle un peu toujours, en plus je dois aller aux toilettes et je ne les trouve pas. Z. arrive et me trouve malgré le réseau absent, on va chez mon ami A. pour qu'il me tatoue or A. est plutôt poète, pas vraiment tatoueur. Il utilise une petite dinette en plastique orange pour préparer les ustensiles, je lui dis c'est drôle j'avais exactement la même, il me dit ah oui regarde j'ai tout l'ensemble, c'est très vintage. On blague sur un tatouage pour Z. qui serait un petit visage rond sous une chapka comme la sienne, perdue, avec en sus deux longues plumes qui pendent devant les oreilles. Je dois toujours aller aux toilettes alors je me lève et me dirige vers la porte que Z. vient de refermer après y être lui-même allé, sauf que j'ai des problèmes avec les portes, celle-ci se ferme difficilement, le papier-peint autour du chambranle craque et engloutit la poignée, ce n'est pas grave, je cherche les toilettes mais l'espace est immense et couvert de matelas, de parois en mousse faites avec ces carrés pour enfants qui s'attachent l'un à l'autre pour construire des tapis ou des cabanes, d'ailleurs dans l'une des pièces il y a semblerait-il l'anniversaire d'un enfant, des parents traînent, j'évite tout le monde, j'hésite à demander où sont les toilettes à ce gosse qui passe à côté de moi en courant, je renonce je veux pas avoir l'air trop con. C'est vraiment grand il y a beaucoup de place pour dormir, je me dis qu'A. pourrait franchement nous inviter plus souvent. Je finis par trouver la porte qui cache les toilettes, ou bien je renonce, en tout cas je ressors. Je regarde mon téléphone pour montrer les photos de la glace à A. et Z. mais elles ont disparu.